Comprendre les soins ayurvédiques : histoire, bienfaits, exercices

L’Ayurveda trouve son origine dans des textes anciens issus du sous-continent indien, transmis et compilés au fil de plusieurs millénaires. Ces écrits, considérés comme les fondements de cette tradition, ont progressivement structuré une approche globale de la santé mêlant pratiques quotidiennes, hygiène de vie et techniques manuelles. Au cours des siècles, ces connaissances ont été reprises, commentées et systématisées, donnant naissance à un corpus cohérent toujours enseigné aujourd’hui dans les régions où cette tradition est implantée. Cette transmission continue explique la place durable occupée par l’Ayurveda dans les pratiques de bien-être contemporaines.

Les soins ayurvédiques correspondent à un ensemble de pratiques corporelles issues de l’Ayurveda, un système traditionnel qui décrit le corps comme régi par trois doshas, Vata, Pitta et Kapha, considérés comme des principes organisationnels influençant le mouvement, la transformation et la structure. Chaque soin cherche à agir en soutenant l’équilibre entre ces forces, tout en prenant en compte les Dhatus (tissus corporels), le rôle d’Agni défini comme un feu digestif chargé de transformer les nutriments et les Srotas, décrits comme des canaux de circulation. 

En pratique, les soins associent souvent l’application d’huiles végétales chauffées, l’usage de plantes ayurvédiques ou de poudres et des manœuvres structurées. Les gestes sont généralement réalisés selon un ordre précis, du centre du corps vers les extrémités, ou en suivant des lignes de mouvement propres à chaque soin. Les huiles végétales servent de support principal : leur texture et leur capacité à être légèrement chauffées facilitent la glisse et renforcent la sensation de chaleur diffuse. Certaines préparations végétales sont ajoutées pour adapter le soin à l’objectif recherché ou au profil de la personne. Les mouvements peuvent être enveloppants, plus appuyés ou rythmés selon les techniques. Cette diversité donne aux soins ayurvédiques une structure reconnaissable : une attention portée à la chaleur, à la progression du geste et à l’usage d’huiles ou de plantes sélectionnées selon les besoins individuels.

Les soins ayurvédiques sont variés et associent, selon les pratiques, huiles végétales, poudres de plantes ou techniques manuelles :

L’oil pulling consiste à garder une huile végétale en bouche pendant quelques minutes avant de la recracher. Cette technique est présente dans plusieurs traditions ayurvédiques comme mesure d’hygiène quotidienne. Elle ne repose pas sur des manipulations corporelles, contrairement aux massages et s’inscrit dans les soins de routine.

Le massage abhyanga correspond à un soin ayurvédique à l’huile effectué sur l’ensemble du corps, à l’aide de mouvements codifiés, lents ou plus toniques selon les besoins. L’huile est appliquée chaude, parfois associée à des plantes. Une étude clinique pilote a évalué cette technique chez des adultes en bonne santé : une séance unique d’une heure a été associée à une diminution du stress perçu, à une baisse de la fréquence cardiaque et à une réduction de la pression artérielle dans le sous-groupe pré-hypertendu. 

Shiro signifie tête, et dhara flux : ce soin très particulier est proposé sur une table en bois spéciale entourée d’une rigole de récupération de l’huile, au-dessus de laquelle est placée une potence. Au bout de celle-ci pend un bol en cuivre ressemblant à une sorte de marmite à fond conique ; celui-ci est percé d’un orifice, que l’on positionne précisément au-dessus du centre du front du patient. C'est par là que va s’écouler très lentement pendant une heure un mince filet d’huile chaude, sans autre intervention manuelle d’aucune sorte sur le corps. Le temps est alors très court ou très long en fonction de la capacité de chacun à lâcher prise. Cette méthode peut surprendre de prime abord, mais révèle vite à quel point elle est puissante. On dit qu’elle agit directement sur ajna le troisième œil, pour purifier, régénérer et stimuler les pensées.

Udvartana correspond à une technique utilisant des poudres de plantes ou des pâtes végétales appliquées sur le corps à l’aide de mouvements rythmés et énergiques. La texture sèche ou semi-sèche de ces préparations crée une sensation différente de celle obtenue avec les huiles chauffées traditionnelles. Les gestes sont généralement réalisés de manière ascendante ou circulaire, selon le protocole choisi, et couvrent de larges zones corporelles. Cette approche implique un contact plus tonique que dans les massages à l’huile, ce qui modifie la perception du soin et la façon dont la peau réagit au toucher. Ce soin est souvent intégré à des routines corporelles pour varier les sensations et les techniques utilisées.

Pinda Sweda utilise des pochons chauffés qui contiennent des plantes séchées, des poudres végétales ou des préparations à base de plantes. Les pochons sont appliqués sur le corps en réalisant des gestes réguliers, souvent circulaires ou alternés, afin de diffuser une chaleur constante sur les zones travaillées. La texture compacte du pochon permet d’associer la chaleur à une pression légère, ce qui différencie cette technique des massages réalisés uniquement à l’huile. La séance alterne généralement des passages plus lents et des mouvements plus rythmés, selon la zone et le protocole choisi. Cette approche s’intègre parmi les techniques corporelles traditionnelles utilisées dans les soins ayurvédiques.

Le massage ayurvédique du visage correspond à une technique douce réalisée avec une huile végétale tiédie appliquée en fines quantités. Les gestes sont lents, réguliers et suivent généralement des lignes naturelles du visage, en alternant pressions glissées, mouvements circulaires et lissages autour des zones sensibles comme les tempes ou le front. La séance peut débuter par quelques manœuvres sur le cuir chevelu afin de préparer les tissus au contact de l’huile. Cette approche privilégie la progressivité du geste et la recherche d’une sensation d’enveloppement, en s’inscrivant dans la continuité des soins corporels ayurvédiques traditionnels.

Utilisant le principe d’alternance des voies de respiration, narine gauche et narine droite, cette pratique permet d'équilibrer les flux d’énergie circulant à travers les deux canaux reliés à ces narines : ida et pingala. Ida est le canal dit lunaire (narine gauche reliée à l’hémisphère droit du cerveau donc à l’énergie yin, féminine) et Pingala le canal dit solaire (narine droite reliée à l’hémisphère gauche du cerveau donc à l’énergie yang, masculine). Ainsi la narine gauche et l’activité de l’hémisphère droit soutiennent la méditation et la créativité, tandis que la narine droite et l’hémisphère gauche soutiennent la pensée logique et la digestion. Pour aider à débloquer l’une ou l’autre ou les deux nadis le matin au réveil quand on est dans un état mal équilibré entre sommeil et éveil, le nadi shodhana est une technique particulièrement bénéfique, et à ce titre très pratiquée par les yogis adeptes du pranayama matinal. Le principe est simple, en respirant uniquement par le nez et en bouchant alternativement, toujours avec le pouce et l’annulaire de la main droite, la narine gauche puis droite, on alterne les flux de Prana dans chaque canal, pour les "pousser" à s’équilibrer. Une expérience formidable à essayer quand on est mal réveillé. Avec patience, les centres d’énergie dans le corps et le cerveau reçoivent la "nourriture pranique" des respirations lentes et délibérées dans et hors d’une narine à la fois. Les pensées se détendent immanquablement grâce aux respirations longues, lentes et profondes. Apaiser et éclaircir les sinus et les voies nasales peut aussi être un avantage supplémentaire lorsque le nez est encombré ou que l’on souffre de migraines. Il existe bien sûr d’autres techniques yogiques anciennes pour réguler la respiration, mais aussi un esprit désordonné, une mauvaise digestion ou un cerveau en surrégime : la respiration agit sur les neuf systèmes du corps, elle peut tout réguler. Autres variations de respirations alternées à expérimenter car leurs effets se manifestent immédiatement : surya bhedana pranayama (inspire expire par la narine droite uniquement) et chandra bhedana pranayama (inspire expire par la narine gauche). Elles permettent d’équilibrer efficacement les effets de "trop-plein" de Surya, le soleil, ou de Chandra, la lune, et ainsi de rafraîchir ou réchauffer le corps notamment les jours de pleine lune ou de grosse canicule.

Cet exercice de pranayama a pour visée de purger et nettoyer les toxines dynamiquement par le souffle. Pouvant se traduire par "crâne brillant" dans l’idée qu’elle purifie les pensées, cette respiration s’effectue par trois séries de 20 à 50 expirations saccadées par le nez (ou plus si on pratique régulièrement) en rentrant au maximum l’abdomen, nombril collé à la colonne. Sans aucun contrôle de l’inspiration, on expire tout l’air vicié du corps, comme si à chaque expire on imaginait sortir de la fumée noire de ses narines. Pour s’aider on peut commencer à pratiquer en posant la main droite sur l’abdomen pour sentir ce mouvement d’engagement et de contraction (c’est d’ailleurs une excellente respiration pour tonifier les abdominaux). Au dernier cycle, il est recommandé de finir sur une profonde inspiration, de bloquer la respiration poumons pleins (on appelle kumbhaka cette suspension à plein du souffle) en engageant les bandhas (périnée, abdomen, gorge) pour verrouiller énergétiquement le souffle chaud à l’intérieur du corps, puis on relâche doucement dans une profonde expiration. Grâce à kapalabhati, la chaleur interne monte, nettoie, transforme, guérit, l’esprit s’éclaire. La conscience est alors posée sur la respiration sans pensée discursive, sans interprétation émotionnelle ou intellectuelle, uniquement attentive au souffle qui sort et "expulse".

Ces deux kriyas créent un véritable massage intérieur, à la fois revigorant et apaisant. En règle générale tous les kriyas, qu’ils soient pratiqués le matin à jeun ou en collectif lors d’un cours de yoga, apportent un puissant sentiment de nettoyage, comme une douche intérieure, et ainsi une sensation de paix et de calme profonds.

Plusieurs établissements proposent des soins ayurvédiques en France. Certains spas spécialisés offrent des massages abhyanga, shirodhara ou udvartana. Il existe également des centres de retraite proposant plusieurs jours de prise en charge inspirée de la tradition ayurvédique, principalement en Europe et en Asie. À l’étranger, l’Inde et le Sri Lanka disposent de centres dédiés accueillant des séjours organisés autour des soins corporels, de l’alimentation et des pratiques associées.

Nos propositions pour profiter des bienfaits des soins ayurvédiques à domicile : 

Les soins ayurvédiques comportent des spécificités nécessitant certaines précautions. Les massages, quelle que soit leur technique, ne doivent pas être appliqués sur une zone infectée, en cas de thrombophlébite, d’inflammation aiguë, de fracture, de brûlure ou de tumeur. Les pratiques réalisées en autonomie doivent rester limitées aux soins corporels ou de confort.