La créatinine, déchet du métabolisme musculaire, s’élimine presque exclusivement par filtration glomérulaire. Pendant la gestation, l’hyperfiltration abaisse la créatininémie à 0,4-0,6 mg/dL. Une valeur qui stagne ou remonte traduit une réduction du débit de filtration et mérite investigation. Mesurer la créatinine urinaire, puis calculer le ratio protéine/créatinine, aide à confirmer une protéinurie durant la grossesse anormale et à quantifier une éventuelle pré-éclampsie. Le suivi séquentiel dévoile aussi une néphropathie préexistante que la physiologie gestationnelle pourrait masquer. En définitive, la créatininurie fournit un indicateur sensible, facilement accessible, du couple fonction rénale–santé placentaire.
Protéinurie durant la grossesse : comprendre, détecter, agir
La grossesse transforme le rein maternel bien avant que le ventre ne s’arrondisse. Sous l’effet de l’hyperfiltration, un peu de protéine peut transiter dans l’urine ; la protéinurie durant la grossesse n’est donc pas toujours synonyme de menace. Pourtant, au-delà d’un certain seuil, elle annonce parfois la redoutée pré-éclampsie. Comment distinguer l’adaptation physiologique d’un signe pathologique ? Quel chiffre doit alerter ? Et surtout, que faire pour protéger la mère et l’enfant ?

Sommaire
Qu’est-ce qu’une protéinurie ?
La protéinurie correspond à la présence de protéines, principalement l’albumine, dans l’urine. En temps normal, le filtre rénal – le glomérule – retient ces macromolécules. Pendant la gestation, le débit de filtration glomérulaire augmente d’environ 50 %, entraînant une « fuite » modérée.
Quel est le seuil de protéinurie pour une femme enceinte ?
Jusqu’à 250 mg/24 h, on parle de taux physiologiques au troisième trimestre. Le seuil définissant la protéinurie durant la grossesse est de 300 mg/24 h (0,3 g/24 h). Au-delà, le risque materno-fœtal grandit.
Comment diagnostiquer une protéinurie pendant la grossesse ?
Le dépistage débute par une bandelette urinaire, simple ruban réactif plongé dans un échantillon frais ; une coloration anormale suggère la présence de protéines. Pour confirmer, on dose la protéinurie sur les urines de 24 heures ou on calcule le ratio protéine/créatinine d’un prélèvement ponctuel, méthode rapide validée pendant la grossesse. Au-delà de 300 mg/24 h ou d’un ratio ≥ 0,3 g/g, le diagnostic est posé et impose d’évaluer la pression artérielle ainsi que la fonction rénale maternelle, afin d'anticiper toute atteinte placentaire ou néphrologique sévère.
Qu'est ce qui fait monter la protéinurie ?
Adaptation rénale physiologique
L’hypervolémie augmente la pression dans les capillaires glomérulaires ; une partie des protéines traverse alors la membrane filtrante sans retentissement clinique. Cette protéinurie durant la grossesse reste modérée et disparaît généralement après l’accouchement.
Pré-éclampsie
Cette pathologie associe hypertension artérielle ≥ 140/90 mmHg et protéinurie ≥ 300 mg/24 h, secondaire à un dysfonctionnement placentaire. La protéinurie durant la grossesse devient ici un marqueur de sévérité ; au-delà de 3 g/24 h elle traduit déjà une atteinte rénale réelle.
Pathologie rénale pré-existante
Glomérulopathie, diabète compliqué, lupus : ces maladies peuvent s’aggraver sous l’effet des modifications hémodynamiques gestationnelles. La protéinurie durant la grossesse, lorsqu’elle précède 20 SA, impose un bilan néphrologique.
Infections urinaires hautes
Une pyélonéphrite peut léser transitoirement le filtre glomérulaire ; la protéinurie disparaît après antibiothérapie adaptée.
Quels sont les symptômes associés ?
Même si la protéinurie durant la grossesse reste souvent silencieuse, certains signes doivent faire consulter sans délai :
Œdèmes généralisés : visage, mains, chevilles se gonflent rapidement ; l’eau retenue reflète une fuite protéique.
Prise de poids brutale : plus de 1 kg en quelques jours témoigne parfois d’une rétention hydrosodée.
Céphalées pulsatives accompagnées de phosphènes (apparition soudaine d'une lumière ou l'irruption de taches lumineuses dans le champ visuel) : possibles prémices d’une élévation tensionnelle.
Douleurs abdominales en barre sous-costale droite : évoquent un syndrome HELLP (complication grave).
Oligurie : diminution du volume des urines signe une souffrance rénale.
Quels sont les liens entre la grossesse et la présence de protéines dans les urines ?
Dès la cinquième semaine, le débit plasmatique rénal augmente de 75 %, entraînant un doublement quasi immédiat du débit de filtration glomérulaire. Ce remodelage optimise l’évacuation des déchets fœtaux mais réduit la réabsorption tubulaire de l’albumine : survient alors une protéinurie durant la grossesse légère et passagère. Passé 20 SA, la surveillance mensuelle par bandelette est intégrée au suivi obstétrical pour dépister toute dérive vers la pré-éclampsie.
Quelles sont les conséquences d’une protéinurie chez la femme enceinte ?
Une protéinurie durant la grossesse persistante ou massive expose la mère à l’hypertension sévère, au syndrome HELLP, voire à l’insuffisance rénale aiguë, tandis que le fœtus risque un retard de croissance ou une prématurité. Lorsque la protéinurie dépasse 3 g/24 h, l’altération glomérulaire maternelle s’accélère et impose parfois l’extraction fœtale sans attendre le terme.
Quand s’inquiéter ?
Les obstétriciens retiennent trois seuils :
≥ 300 mg/24 h : protéinurie anormale nécessitant une confirmation biologique.
≥ 500 mg/24 h associée à une tension ≥ 140/90 mmHg : surveiller étroitement, car 30 % de ces situations évoluent vers la pré-éclampsie.
≥ 3 g/24 h ou ratio protéine/créatinine urinaire ≥ 0,3 g/g : hospitalisation immédiate pour bilan fœto-maternel.
En l’absence d’hypertension, répéter le recueil sur 24 h ; une protéinurie durant la grossesse isolée reste le plus souvent bénigne.
Est-il possible de prévenir la protéinurie ?
La protéinurie apparaît le plus souvent lorsqu’une pré-éclampsie se met en place — complication gravide où la tension artérielle grimpe et la perfusion du placenta se dérègle. Parce que la génétique et la physiologie placentaires échappent à tout contrôle, aucune stratégie ne garantit l’absence totale de fuite protéique. On peut toutefois réduire les facteurs qui fragilisent les capillaires rénaux : mesurer la pression chaque semaine dès le deuxième trimestre, traiter sans délai une hypertension préexistante, limiter le sel, privilégier une alimentation riche en calcium et en antioxydants, pratiquer une activité douce adaptée, dépister rapidement les infections urinaires, équilibrer la glycémie chez les femmes diabétiques et arrêter complètement le tabac. Un suivi obstétrical régulier agit alors comme filet de sécurité, permettant d’ajuster ces leviers avant que la pré-éclampsie ne s’installe.
Quelle routine adopter pour prévenir la protéinurie ?
Voici une proposition de routine pour limiter les risques de survenue d'une protinurie pendant la grossesse :
Petit-déjeuner : repas peu salé (< 5 g/jour), riche en protéines de haute qualité (lait, yaourt, œuf) et en calcium, minéral qui soutient la fonction endothéliale rénale.
Matinée active : marche douce de 30 min ou yoga prénatal pour améliorer la circulation sanguine et limiter la rétention hydrosodée.
Hydratation continue : 1,5 – 2 L d’eau répartis sur la journée, favorisant la filtration rénale et la dilution des urines.
Déjeuner : légumes colorés, poisson gras (oméga-3 anti-inflammatoires) et légumineuses ; réduire les charcuteries, sources de sel caché.
Fin d’après-midi : pause allongée en décubitus latéral gauche (couchée sur le côté gauche) pour décharger la veine cave et mieux perfuser les reins.
Dîner léger : apport glucidique complexe (quinoa, légumes) ; éviter sodas et caféine qui majorent la tension.
Avant le coucher : exercice de respiration diaphragmatique 5 min ; un sommeil de 7 – 8 h stabilise la libération nocturne d’hormones vasculaires
Précautions d’usage
Toute automédication – compléments alimentaires, phytothérapie ou huiles essentielles – doit être validée par une sage-femme ou un médecin chez la femme enceinte. Les mélanges aromatiques proposés aux femmes enceintes s’emploient uniquement après avis professionnel, en respectant les doses indiquées.
Conseil de l’expert
La protéinurie durant la grossesse est un indicateur simple, obtenu par une bandelette, mais il révèle à lui seul la santé rénale et placentaire. Faites-le contrôler à chaque visite, buvez selon votre soif, limitez le sel sans l’exclure. En cas de résultat supérieur au seuil, n’attendez pas : un dosage en laboratoire et un contrôle tensionnel permettront de lever le doute ou d’intervenir assez tôt pour éviter des complications sérieuses.
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Survenant après 20 semaines d’aménorrhée, la pré-éclampsie associe une tension artérielle ≥ 140/90 mmHg et une protéinurie ≥ 0,3 g/24 h. Ce duo reflète un placenta mal perfusé dont les facteurs vasoconstricteurs envahissent la circulation maternelle. La patiente peut n’éprouver aucun malaise, ou au contraire présenter œdèmes fulgurants, céphalées lumineuses, douleurs épigastriques. Sans prise en charge, la maladie menace la mère (hémorragie cérébrale, insuffisance rénale) et l’enfant (retard de croissance, prématurité). Le seul traitement étiologique reste l’accouchement ; toutefois, hypotenseurs, sulfate de magnésium et surveillance biologique prolongent parfois la grossesse, gagnant de précieux jours de maturation fœtale.
Qu’est-ce que l’albumine ?
Qu’est-ce que l’albumine ?

Qu’est-ce que l’albumine ?
L’albumine représente environ 60 % des protéines plasmatiques. Synthétisée par le foie, elle fixe eau, ions, hormones liposolubles et nombreux médicaments, tout en maintenant la pression oncotique — force qui retient le liquide dans le compartiment vasculaire. Lorsque la barrière glomérulaire s’altère, l’albumine franchit le filtre : on parle d’albuminurie, première étape vers la protéinurie durant la grossesse pathologique. La perte prolongée épuise le stock circulant, d’où œdèmes, hypotension et parfois retard de croissance fœtale. À l’inverse, la gestation provoque souvent une hypo-albuminémie bénigne par hémodilution, sans conséquence si le rein reste intact.
Zoom sur notre rédactrice pharmacienne et docteure en biologie moléculaire, Stéphanie LE GUILLOU

Stéphanie est pharmacienne (depuis 2010) et docteure en biologie moléculaire (depuis 2012). Passionnée de rédaction, elle écrit des contenus médicaux depuis près de 15 ans. Son objectif est de rendre accessible et compréhensible les informations, sans jamais perdre en justesse scientifique.
Bibliographie
1
ameli.fr. Définition et causes de la pré-éclampsie. Mars 2025.
https://www.ameli.fr/assure/sante/devenir-parent/grossesse/difficultes-et-maladies-pendant-la-grossesse/preeclampsie/definition-causes