Intoxication alimentaire enceinte : comment différencier des nausées ?

Pendant la grossesse, le corps ajuste son immunité. Cette adaptation rend la future mère plus exposée aux infections, notamment auxintoxications alimentaires. En France, plusieurs milliers de cas sont enregistrés chaque année, dont une part concerne des femmes enceintes. Le plus souvent bénignes, ces infections peuvent parfois provoquer des complications graves pour la mère et l’enfant. La listériose, due à Listeria monocytogenes, reste la plus redoutée. Reconnaître les symptômes, comprendre les risques et adopter les bons gestes permet de réduire nettement les complications liées à une intoxication alimentaire chez la femme enceinte.

Par Stéphanie Le Guillou
Temps de lecture : +4 min.

Qu’est-ce qu’une intoxication alimentaire ?

Une intoxication alimentaire survient après ingestion d’aliments ou de boissons contaminés par des micro-organismes pathogènes (Salmonella, Listeria monocytogenes, Bacillus cereus, Staphylococcus aureus, Clostridium perfringens) ou leurs toxines (1, 6). Les symptômes les plus fréquents sont : douleurs abdominales, diarrhées, nausées, vomissements et fièvre. Leur intensité dépend du germe et de la quantité ingérée (6). En France, 1 300 à 1 900 toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) sont déclarées chaque année, touchant 11 000 à 17 000 personnes. Environ 5 % nécessitent une hospitalisation (1). Une TIAC est définie lorsque deux personnes ou plus présentent des symptômes similaires après avoir consommé le même repas (1).

Quels sont les risques spécifiques pendant la grossesse ?

La grossesse modifie la réponse immunitaire et ralentit le transit intestinal, rendant la femme enceinte plus vulnérable aux agents infectieux (2). Parmi eux, Listeria monocytogenes est particulièrement à surveiller (3). Cette bactérie peut traverser le placenta et infecter le fœtus ; plus rarement, la contamination se produit pendant l’accouchement (3). L’incubation est longue : les symptômes peuvent apparaître jusqu’à huit semaines après exposition (1, 3). Chaque année, environ 600 cas de listériose sont recensés en France, dont 30 à 40 formes materno-néonatales (1, 3). Les complications possibles sont : fausse couche, accouchement prématuré, mort in utero ou infection du nouveau-né (2, 5). Même traitée, l’infection peut laisser des séquelles fœtales, d’où l’importance de la prévention (2).

Pourquoi contracte-t-on une intoxication alimentaire ?

Les bactéries les plus courantes

Les bactéries sont responsables de la majorité des intoxications alimentaires. Salmonella provoque environ 40 % des TIAC confirmées en France (1). Suivent Bacillus cereus, Staphylococcus aureus et Clostridium perfringens (1). Ces germes se multiplient lorsque les aliments cuits sont laissés trop longtemps à température ambiante ou que la chaîne du froid est rompue (4, 6).

Le cas particulier de Listeria monocytogenes

Chez la femme enceinte, Listeria monocytogenes présente un risque particulier. Elle se développe dès + 4 °C, résiste à la congélation, mais est détruite par la cuisson (3). Elle se retrouve surtout dans les aliments crus ou peu cuits : fromages au lait cru, charcuteries, poissons fumés ou crus, coquillages, produits traiteur à la coupe, restes mal réchauffés (1, 2).

Quels sont les symptômes associés ?

Les troubles apparaissent en général quelques heures ou jours après un repas contaminé :

  • Manifestations digestives fréquentes : douleurs ou crampes abdominales, diarrhées parfois sanglantes, nausées, vomissements, fatigue, maux de tête et frissons (6)

  • Chez la femme enceinte : fièvre modérée ou élevée, céphalées persistantes, troubles digestifs isolés, parfois, signes neurologiques (2).

Ces symptômes peuvent évoquer une simple gastro-entérite ; une évaluation médicale reste donc nécessaire.

Comment éviter cette problématique ?

  1. Maîtriser la chaîne du froid : la température du réfrigérateur doit se maintenir entre + 3 et + 4 °C, avec nettoyage régulier et espace suffisant pour la circulation de l’air (4). Les restes doivent être consommés sous trois jours et réchauffés à cœur, au-delà de + 70 °C, afin d’éliminer les bactéries (4). Les aliments préparés ne doivent pas rester plus de deux heures à température ambiante avant d’être remis au froid (4)

  2. Cuisson et séparation des aliments : la cuisson détruit la majorité des micro-organismes, notamment Listeria (3, 4). Les viandes hachées et les poissons doivent être cuits à cœur ; les ustensiles utilisés pour les aliments crus ne doivent pas servir aux plats cuits (4)

  3. Alimentation pendant la grossesse : pour réduire le risque de listériose, éviter les fromages au lait cru, surtout à pâte molle ; ne pas consommer les croûtes et fromages râpés industriels ; limiter les charcuteries cuites (rillettes, pâtés, foie gras) et crues (jambon cru, lardons) ; bannir poissons fumés, coquillages crus, surimi, tarama ; éviter les graines germées crues et plats traiteur à la coupe (2)

  4. Gestes d’hygiène au quotidien : pour éviter toute intoxication alimentaire, les femmes enceintes doivent suivre les conseils suivants : se laver les mains avant de manipuler les aliments, nettoyer les surfaces et ustensiles, respecter les dates limites de consommation et séparer systématiquement produits crus et cuits (4).

Femme enceinte et intoxication alimentaire : quand faut-il consulter ?

Il faut consulter sans tarder en cas de fièvre persistante, douleurs abdominales intenses ou diarrhée prolongée après un repas suspect. Pendant la grossesse, toute fièvre inexpliquée justifie la recherche d’une listériose.

Quels gestes adopter au quotidien ?

Pour éloigner tout risque d'intoxication alimentaire chez la femme enceinte : 

  1. Surveiller son alimentation : privilégier les plats bien cuits et éviter les buffets à température ambiante (1, 2)

  2. Entretenir le réfrigérateur : le maintenir à + 4 °C et le nettoyer chaque semaine (4)

  3. Laver fruits et légumes avant consommation (4)

  4. Séparer cru et cuit pour limiter la contamination croisée (4)

  5. Consommer les restes rapidement, après réchauffage complet (4).

Précautions

Les conseils présentés ne remplacent pas une consultation médicale. Certaines intoxications alimentaires peuvent passer inaperçues chez la femme enceinte. Pendant la grossesse, une vigilance accrue et un suivi adapté sont essentiels.

Conseil de l’expert

Le risque d’intoxication alimentaire existe tout au long de la grossesse. Ce qui change, c’est la conséquence possible : une infection précoce peut provoquer une fausse couche, tandis qu’en fin de grossesse, elle peut déclencher un accouchement prématuré ou une infection du nouveau-né. C'est pourquoi il est important de respecter les bons gestes tout au long de la grossesse.

En savoir plus

Est-ce grave d’avoir une intoxication alimentaire enceinte ?

La plupart des intoxications alimentaires se résolvent spontanément. Certaines plus complexes, comme la listériose, peuvent toutefois entraîner des complications sévères : infection fœtale, accouchement prématuré ou décès néonatal.

Est-ce qu’une listériose peut provoquer une fausse couche ?

Oui, dans les formes graves de listériose, le risque de perte fœtale est estimé entre 25 et 30 % (5). Le traitement antibiotique réduit ce risque sans le supprimer entièrement (5).

Et la toxoplasmose, est-ce une intoxication alimentaire ?

Non. Latoxoplasmose n’est pas une intoxication alimentaire, mais une infection parasitaire causée par Toxoplasma gondii, un protozoaire transmis principalement par les aliments contaminé. Elle se contracte surtout en consommant de la viande crue ou peu cuite, des fruits et légumes souillés par la terre, ou par contact avec des excréments de chat porteurs du parasite. Pendant la grossesse, la contamination maternelle peut entraîner une transmission au fœtus et provoquer des complications neurologiques ou oculaires (2). La prévention repose sur des gestes simples : bien cuire la viande, se laver les mains après manipulation d’aliments crus ou de terre, et laver soigneusement fruits et légumes avant consommation.

Quelle est la différence entre une intoxication alimentaire, une gastro et une indigestion ?

Chez la femme enceinte, il convient plus que jamais de faire la distinction entre l’intoxication alimentaire, qui résulte de la consommation d’un aliment contaminé et se manifeste rapidement, parfois chez plusieurs personnes à la fois, et la gastro-entérite, d’origine virale, qui apparaît après une incubation de 1 à 3 jours et se transmet souvent de personne à personne. L’indigestion, quant à elle, correspond simplement à un inconfort digestif après un repas copieux, sans cause infectieuse ; dans tous les cas, il est conseillé de se réhydrater, de manger léger et de consulter en cas de fièvre, de douleurs marquées ou de diarrhée persistante, notamment durant la grossesse.

Zoom sur notre rédactrice pharmacienne et docteure en biologie moléculaire, Stéphanie LE GUILLOU

Stéphanie est pharmacienne (depuis 2010) et docteure en biologie moléculaire (depuis 2012). Passionnée de rédaction, elle écrit des contenus médicaux depuis près de 15 ans. Son objectif est de rendre accessible et compréhensible les informations, sans jamais perdre en justesse scientifique.

Bibliographie

1

Santé publique France. TIAC. Février 2024. Disponible sur :

2

Ameli.fr. Infections bactériennes pendant la grossesse – section listériose. 2025.

3

Institut Pasteur. La listériose : épidémiologie, recommandations et prévention. Mise à jour 2022.

4

ANSES. Comment garantir l’hygiène des aliments dans son réfrigérateur ? 2024.

Disponible sur : Comment garantir l'hygiène des aliments dans son réfrigérateur ? | Anses - Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

5

CMAJ 2024 — Listeriosis in pregnancy

6

ARS Auvergne-Rhône-Alpes. Intoxication alimentaire : comment se protéger et réagir en cas de symptômes. 2025.