Lipase élevée : causes, symptômes et solutions à envisager

La lipase, enzyme discrète mais essentielle, révèle bien des choses sur l’état du pancréas. Lorsque sa concentration grimpe dans le sang, l’inquiétude est légitime. Faut-il se précipiter à l’hôpital ? Existe-t-il un régime capable d’accélérer la diminutiuon des lipases ? Et surtout, comment éviter une nouvelle envolée ?

Par Stéphanie Le Guillou
Mis à jour le 22/07/2025Temps de lecture : +4 min.

Qu’est-ce que la lipase ?

La lipase est une enzyme (catalyseur biologique) produite en majorité par le pancréas. Son rôle : découper les triglycérides alimentaires en acides gras, afin qu’ils passent la barrière intestinale. Le terme médical hyperlipasémie désigne une élévation anormale de la concentration sérique de lipase. Le dosage sanguin, simple prise de sang, oriente surtout vers une pancréatite aiguë – inflammation brutale du pancréas – mais d’autres affections peuvent aussi la faire grimper. 

Quel taux de lipase est inquiétant ?

Un chiffre isolé ne suffit jamais ; on retient toutefois que trois fois la limite supérieure de la normale (≥ 3 N) constitue un seuil d’alerte fort. Autrement dit, au-delà d’environ 180 U/L, la probabilité d’une pancréatite aiguë devient élevée. Ce seuil déclenche le bilan d’imagerie. À l’inverse, une valeur située entre 1 N et 3 N, surtout si elle est transitoire, exige une recherche étiologique raisonnée sans urgence systématique.

Qu’est-ce qui fait monter les lipases ?

Pancréatite aiguë

La pancréatite aiguë est la cause la plus fréquente. Calcul biliaire, alcool ou hypertriglycéridémie en sont souvent à l’origine. La lipase s’élève 8 à 30 h après le début des douleurs, culmine à 24–48 h puis régresse en 5–10 jours.

Pancréatite chronique et tumeurs pancréatiques

Les poussées inflammatoires ou l’obstruction d’un canal excréteur libèrent l’enzyme dans la circulation.

Insuffisance rénale

Lorsque les reins filtrent mal, la clairance de la lipase diminue ; l’enzyme s’accumule alors sans lésion pancréatique sous-jacente.

Pathologies abdominales non pancréatiques

Ulcère perforé, ischémie mésentérique, occlusion intestinale ou cholécystite peuvent stimuler la sécrétion pancréatique réflexe et majorer la lipasémie.

Médicaments et toxiques

Les opiacés, certains anticholinergiques ou les corticoïdes spasment le sphincter d’Oddi ; l’enzyme reflue alors vers le sang. L’éthanol, pris à fortes doses, potentialise cet effet.

Affections métaboliques

Le diabète acidocétosique, les dyslipidémies majeures et l’obésité viscérale sont régulièrement associés à des pics de lipase modérés.

Quels sont les symptômes associés à un taux de lipase élevé ?

  • Douleurs abdominales hautes : douleur intense, transfixiante, irradiant parfois dans le dos, typique de la pancréatite aiguë.

  • Nausées et vomissements : conséquence du réflexe viscéral, ils aggravent la déshydratation.

  • Fièvre modérée : témoigne d’une inflammation systémique ; au-delà de 38,5 °C, penser à une nécrose infectée.

  • Ictère (jaunisse) : coloration jaune de la peau et des conjonctives, suggérant un calcul bloqué dans la voie biliaire.

  • Perte d’appétit et amaigrissement : surtout dans les pancréatites chroniques ou les tumeurs, par malabsorption des graisses.

Que faire en cas de taux de lipase élevé ?

Quelles sont les recommandations médicales ?

Une lipase ≥ 3 N accompagnée de douleurs épigastriques impose une évaluation hospitalière. Le clinicien combine examens biologiques, échographie et scanner si nécessaire, afin de rechercher calculs, nécrose ou collections liquides. Hydratation IV, antalgie morphinique soigneusement titrée, voire nutrition entérale précoce limitent la sévérité ; les antibiotiques restent réservés aux complications infectieuses. Le contrôle répété de la lipase n’apporte pas d’information pronostique.

Comment faire diminuer les lipases ? Que manger ?

L’enzyme décroît surtout après prise en charge de la cause ; aucun médicament ne « nettoie » la lipase. Cependant, l’alimentation influence la stimulation pancréatique :

  • Phase aiguë : mise au repos digestif (aucune alimentation) quelques heures, puis réalimentation hypolipidique (≤ 30 g de lipides/j).

  • Phase de convalescence : privilégier viandes maigres, poissons blancs, céréales complètes, fruits cuits. Fractionner les repas réduit la charge enzymatique.

  • Hydratation : 2 L d’eau plate ou bouillons peu salés soutiennent le débit sanguin rénal, favorisant l’élimination de l’enzyme.

  • Éviter alcool, fritures, charcuteries et sauces crémeuses, connus pour stimuler abondamment la sécrétion pancréatique.

Comment prévenir une élévation du taux de lipases ? Quelle routine adopter ?

  1. Limiter l’alcool (≤ 2 verres/j, jamais d’ivresse).

  2. Adopter une alimentation méditerranéenne, riche en fibres, pauvre en graisses saturées.

  3. Maintenir un poids stable : IMC entre 18,5 et 25 diminue la stéatose pancréatique.

  4. Faire contrôler son profil lipidique tous les ans si antécédents familiaux.

  5. Traiter précocement les calculs biliaires par chirurgie mini-invasive avant qu’ils ne migrent.

  6. Respecter un suivi néphrologique en cas d’insuffisance rénale, pour améliorer l’excrétion enzymatique.

  7. Pratiquer une activité physique régulière (150 min/semaine), modulant triglycérides et glycémie.

  8. Planifier une consultation annuelle auprès de son médecin traitant pour ajuster traitements et dépistages.

Précautions d’usage

Les compléments alimentaires évoqués ne remplacent ni une prise en charge médicale, ni un traitement prescrit. Toute douleur abdominale aiguë ou fièvre doit faire l’objet d’un avis urgent. 

Conseil de l’expert

En collaborant étroitement avec son médecin, en adoptant une hygiène de vie sobre et en surveillant les signaux d'alerte, on réduit nettement le risque de pancréatite. La clé : agir sur les facteurs modifiables pour que l’enzyme reste un allié discret de la digestion, non le marqueur d’une urgence silencieuse.

En savoir plus

Pourquoi la lipase peut-elle rester élevée la après guérison clinique ?

La lipasémie peut persister au-delà de la phase douloureuse, à des valeurs inférieures à trois fois la normale. Un œdème pancréatique résiduel – infiltration liquidienne comprimant les canaux excréteurs – retarde l’écoulement de l’enzyme vers l’intestin. Parallèlement, la clairance rénale, volume de plasma filtré chaque minute, peut se réduire quelques jours, prolongeant la demi-vie sérique. Enfin, des macro-lipases, complexes enzyme-anticorps volumineux, circulent plus longtemps, d’où une décroissance progressive mais rassurante sur une ou deux semaines. Ce phénomène ne traduit pas une rechute.

La lipase basse a-t-elle une signification ?

Une lipase basse ne passe pas inaperçue chez un patient dénutri. Une valeur ≤ 13 U/L peut révéler une insuffisance pancréatique exocrine sévère : les cellules acineuses détruites par une pancréatite chronique ne sécrètent plus l’enzyme. Ce déficit s’accompagne souvent de selles grasses (stéatorrhée) et d’un amaigrissement non désiré. Un jeûne prolongé, une malnutrition protéino-énergétique ou certaines atteintes hépatiques abaissent aussi la production, d’où l’intérêt d’une évaluation nutritionnelle complète et d’un dosage systématique des graisses fécales en laboratoire spécialisé.

Les tests de lipase salivaire sont-ils utiles ?

Le dosage de la lipase salivaire, malgré sa facilité apparente, n’apporte que peu d’enseignements sur la fonction du pancréas. La glande salivaire secrète une iso-enzyme différente, active surtout à pH acide dans l’estomac, dont la concentration reste stable quelles que soient les affections pancréatiques. Les études comparatives montrent une sensibilité inférieure à 15 % pour diagnostiquer une pancréatite aiguë, très loin derrière la lipase sérique classique. En pratique clinique, ce test n’est ni validé ni recommandé par les sociétés savantes.

Zoom sur notre rédactrice pharmacienne et docteure en biologie moléculaire, Stéphanie LE GUILLOU

Stéphanie est pharmacienne (depuis 2010) et docteure en biologie moléculaire (depuis 2012). Passionnée de rédaction, elle écrit des contenus médicaux depuis près de 15 ans. Son objectif est de rendre accessible et compréhensible les informations, sans jamais perdre en justesse scientifique.

Bibliographie

1

MSD Manuals. Pancréatite aiguë.

2

FMC-HGE. Pancréatite aiguë : prise en charge à la phase initiale.