Les deux maladies partagent la même zone géographique et la même saison de forte densité de moustiques, mais les vecteurs diffèrent : Aedes pour la fièvre jaune, Anopheles pour le paludisme. La co-infection alourdit le tableau clinique et complique le diagnostic.
Fièvre Jaune : Causes et symptômes
Maladie tropicale transmise par des moustiques diurnes, la fièvre jaune reste endémique dans plusieurs régions du globe. Son vaccin fait figure de modèle d’efficacité, pourtant les couvertures vaccinales irrégulières alimentent encore des épidémies meurtrières. Comment circule-t-elle ? Quels signes doivent alerter ? Quelles mesures protègent durablement les voyageurs et les populations locales ?

Sommaire
Qu’est-ce que la fièvre jaune ?
La fièvre jaune est une arbovirose : un arbovirus est un virus transmis par un arthropode vecteur (moustique, tique). Le virus amaril appartient au genre Flavivirus. L’infection débute par une phase virémique courte, puis peut évoluer vers une atteinte hépatique responsable de l’ictère qui a donné son nom à la maladie. On recense environ 200 000 cas sévères et 30 000 décès annuels dans le monde ; la létalité varie de 20 % à 60 % selon les poussées épidémiques.
Quels sont les pays concernés ?
En 2023, l’OMS dénombrait 34 pays d’Afrique (du Sénégal à la République démocratique du Congo) et 13 pays d’Amérique centrale ou du Sud (du Panama à l’Argentine) où la fièvre jaune est endémique ou possède des zones d’endémicité. Les territoires d’Asie restent, pour l’heure, épargnés, bien que des importations de cas soient déjà décrites.
Transmission : quelles sont les causes ?
Cycle sylvatique
Dans l’épaisseur des forêts tropicales pluvieuses, le virus amaril circule silencieusement entre singes et moustiques arboricoles des genres Haemagogus (Amériques) et Sabethes (Amériques et Afrique). Ces insectes diurnes, dont la longévité dépasse trois semaines, piquent d’abord un primate infecté puis, à la faveur d’une activité humaine en sous-bois – abattage, chasse, récolte de latex –, inoculent le virus à l’ouvrier forestier. Une partie des femelles transmet même l’agent infectieux à leur descendance par voie transovarienne (le virus franchit la barrière ovarienne et persiste dans l’œuf), ce qui assure la pérennité de l’enzootie durant les saisons sèches. La fragmentation progressive de la canopée, liée à l’exploitation du bois exotique, rapproche singes, moustiques et travailleurs et multiplie les opportunités de « sauts d’espèces ».
Cycle intermédiaire (savane)
Spécifique au continent africain, ce pont épidémiologique relie la jungle et le village. Au bord d’un bosquet, un moustique semi-domestique change aisément de cible : il se nourrit sur un singe mangabey au crépuscule, puis s’introduit le lendemain dans une case pour prélever du sang sur un enfant endormi. L’existence de ce cycle péridomestique explique la survenue régulière de flambées régionales malgré l’absence de grandes métropoles à proximité. Les populations vivant à la lisière forestière, souvent sous-vaccinées, servent alors de passerelle vers le milieu urbain. Les épisodes enregistrés au Ghana en 2024 montrent que six à huit semaines après le premier cas simien, la transmission humaine devient soutenue si les campagnes de rappel vaccinal tardent.
Cycle urbain
Une fois introduit dans une agglomération, le virus trouve en Aedes aegypti un vecteur hautementanthropophile (préférant le sang humain) et parfaitement adapté aux gîtes larvaires créés par l’homme : citernes, pneus usagés, seaux laissés à l’ombre. Une seule femelle infectée, capable de piquer plusieurs personnes à quelques minutes d’intervalle, suffit à amorcer une flambée ; la densité urbaine et les déplacements accélèrent ensuite la diffusion intra-urbaine. L’absence d’immunité collective, la résistance des moustiques aux insecticides de synthèse et l’augmentation des températures nocturnes – qui écourtent l’incubation virale interne – favorisent ces épidémies. Après l’épisode angolais de 2015-2016, plus de 7 000 cas probables ont été dénombrés, et des voyageurs infectés ont déclenché des alertes sanitaires en Chine, rappelant la vulnérabilité des mégapoles subtropicales.
Quelles sont les différentes phases de la maladie ?
La progression de la fièvre jaune se déroule habituellement en trois phases distinctes.
Tout commence par la phase d’incubation, un intervalle silencieux de trois à six jours au cours duquel le virus circule dans l’organisme sans provoquer le moindre signe clinique.
Vient ensuite la phase aiguë bénigne, la plus fréquente : la température grimpe soudain ; apparaissent alors des myalgies — c’est-à-dire des douleurs musculaires diffuses —, d’intenses céphalées (maux de tête) et une photophobie, caractérisée par une gêne marquée à la lumière.
Enfin, dans 15 à 25 % des cas, l’infection bascule vers la phase toxique ; plusieurs organes — foie, reins, système hématologique — se trouvent simultanément agressés, d’où l’expression « atteinte multiviscérale ». Cette dernière étape met en jeu le pronostic vital, car les défaillances d’organes peuvent conduire à un choc irréversible si la prise en charge réanimatoire n’est pas initiée rapidement.
Quels sont les symptômes associés ?
Les symptômes principalement décrits sont les suivants :
Fièvre élevée : souvent brusque, peut dépasser 40 °C ; signe la virémie.
Ictère : coloration jaune de la peau et des conjonctives due à l’atteinte du foie.
Vomissements hémorragiques : le terme « vomito negro » dans la littérature renvoie à ces rejets de sang digéré.
Protéinurie et insuffisance rénale : les reins éliminent difficilement les pigments sanguins.
Désordres hémorragiques : pétéchies, saignements gingivaux, hématurie (sang dans les urines) ; conséquence d’une coagulopathie virale.
Choc et défaillance multiviscérale : chute de tension artérielle, troubles de la conscience, issue fatale possible.
Quels sont les traitements ?
Il n’existe aucun antiviral spécifique contre la fièvre jaune. La prise en charge repose sur le soutien hémodynamique, la correction des désordres de la coagulation et le traitement d’une éventuelle insuffisance rénale. Une surveillance en unité de soins intensifs devient indispensable dès les premiers signes de phase toxique. Le paracétamol reste l’antipyrétique de choix ; l’acide acétylsalicylique (aspirine) et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont proscrits en raison du risque hémorragique.
Peut-on prévenir la maladie ?
La vaccination amarile offre une immunité dès le dixième jour et confère une protection à vie après une seule dose. Elle est exigée pour l’entrée dans plusieurs pays et devient obligatoire pour tout voyageur ayant transité plus de 12 heures en zone d’endémicité. Le vaccin, vivant atténué, est jugé sûr ; une réaction fébrile modérée touche 5 % des personnes, tandis que les événements graves – maladie viscérotrope ou neurologique – restent rarissimes (≈ 1 pour 250 000 doses), survenant plutôt après 60 ans ou chez des sujets immunodéprimés.
La mortalité a-t-elle reculé depuis l’introduction du vaccin ?
Oui : dans les zones où la couverture vaccinale dépasse 80 %, les cas graves sont devenus sporadiques. Les flambées récentes en Angola (2015) ou au Brésil (2016-2018) ont surtout touché des poches de population non immunisées.
Précautions d’usage
Toute fièvre ≥ 38 °C apparaissant au retour d’une zone d’endémie justifie une consultation en urgence pour éliminer la fièvre jaune et les autres arboviroses. Les personnes vivant avec le VIH (CD4 < 200/mm³) ou ayant subi une thymectomie doivent discuter la vaccination avec un centre spécialisé.
Conseil de l’expert
Des moustiques diurnes, urbains ou forestiers, maintiennent la circulation du virus amaril ; un voyage court suffit pour être exposé. La vaccination, associée à une protection anti-vectorielle rigoureuse (répulsifs agréés, vêtements couvrants, moustiquaires imprégnées), bloque la majorité des transmissions. Préparer son déplacement au moins dix jours avant le départ permet de recevoir l’injection et d’obtenir le certificat international indispensable. Les centres de vaccination habilités délivrent également des conseils adaptés à la destination, notamment sur la prophylaxie paludique et l’accès aux soins.
En savoir plus
Quel est le lien entre la fièvre jaune et le paludisme ?
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Quel est le lien avec la typhoïde ?
Quel est le lien avec la typhoïde ?

Quel est le lien avec la typhoïde ?
La fièvre typhoïde, d’origine bactérienne (Salmonella Typhi), se transmet par voie oro-fécale, non par moustique. Le voyageur peut néanmoins contracter typhoïde et fièvre jaune en un même séjour ; la prévention passe par la vaccination double et des mesures d’hygiène strictes.
Quel est le taux de mortalité ?
Quel est le taux de mortalité ?

Quel est le taux de mortalité ?
Chez les patients évoluant vers la phase toxique, la létalité atteint 20 % à 60 %.
Une protection contre les moustiques suffit-elle à prévenir la fièvre jaune ?
Une protection contre les moustiques suffit-elle à prévenir la fièvre jaune ?

Une protection contre les moustiques suffit-elle à prévenir la fièvre jaune ?
La protection individuelle contre les moustiques – répulsifs agréés, vêtements couvrants, moustiquaires imprégnées – réduit nettement le risque de piqûre infectante mais ne garantit pas, à elle seule, l’absence d’infection par la fièvre jaune. Les moustiques diurnes peuvent échapper aux mesures barrière et demeurer localement infectieux plusieurs semaines. Seule la vaccination amarile, conférant une immunité durable dès le dixième jour, complète pleinement la prévention. Ainsi, lutte antivectorielle et immunisation constituent un tandem indissociable pour sécuriser tout séjour en zone endémique.
Zoom sur notre rédactrice pharmacienne et docteure en biologie moléculaire, Stéphanie LE GUILLOU

Stéphanie est pharmacienne (depuis 2010) et docteure en biologie moléculaire (depuis 2012). Passionnée de rédaction, elle écrit des contenus médicaux depuis près de 15 ans. Son objectif est de rendre accessible et compréhensible les informations, sans jamais perdre en justesse scientifique.
Bibliographie
1
Institut Pasteur. Fièvre jaune. Mai 2024.
https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/fievre-jaune
2
Sante.gouv. Fièvre jaune. Février 2025.
3
Organisation mondiale de la santé. Fièvre jaune. Mai 2023.
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/yellow-fever