Les huiles essentielles sont synthétisées à partir des plantes dites “aromatiques”. La faculté de produire des huiles essentielles (HE) est une caractéristique particulière propre à certaines familles de plantes réparties à travers le règne végétal. Plusieurs méthodes d’extraction d’huiles essentielles existent avec leurs avantages et leurs inconvénients. Zoom sur ce processus délicat et complexe.
Bien comprendre ce que sont les huiles essentielles
Les huiles essentielles sont des sécrétions naturelles élaborées par les plantes et contenues dans différentes parties de la plante, telles que les fleurs (Rose), les sommités fleuries (Lavande), les feuilles (Citronnelle), les écorces (Cannelier), les racines (Iris), les fruits (Vanillier), les bulbes (Ail), les rhizomes (Gingembre), ou les graines (Muscade). Dans certains cas, comme les huiles essentielles de Lavande ou de Sauge, c'est l'ensemble de la plante qui est utilisé.
L’extraction d’huiles essentielles, une étape particulièrement délicate
L'extraction des huiles essentielles (HE) est une opération complexe et délicate visant à capturer les composés les plus volatils, subtils et fragiles élaborés par les végétaux, sans altérer leur qualité. Pour illustrer la difficulté de cette entreprise, il suffit de considérer la rapidité avec laquelle le parfum d'une fleur, même la plus odorante, se libère, disparaît ou se dénature lorsque ses pétales sont froissés. Une fois la cuticule cireuse des poches épidermiques brisée, l'essence s'échappe et des molécules odorantes se dispersent dans l'air ambiant. D'une manière générale, il est important de noter que les HE ne sont pas toujours identiques à celles produites naturellement par les plantes. Bien que l'idée que les HE reflètent l'esprit de la plante et soient une réplique exacte de ses composants puisse être poétique, elle est souvent erronée. En effet, les HE subissent généralement des modifications chimiques lors du processus d'extraction, résultant de la chaleur ou des interactions avec l'eau. Seules les HE issues de l'expression à froid, préservées de l'oxydation et sans contact avec le jus de fruit, pourraient correspondre à la véritable essence de la plante.
Les techniques d'extraction traditionnelles peuvent entraîner la perte de certains constituants, la dégradation de composés insaturés par la chaleur ou l'hydrolyse, ainsi que la présence de résidus de solvants organiques potentiellement toxiques. Pour remédier à ces inconvénients, des laboratoires de recherche ont développé des techniques d'extraction plus écologiques, telles que celles assistées par micro-ondes, aux ultrasons ou utilisant un solvant supercritique.
Les différentes méthodes d’extraction d’huiles essentielles
Plusieurs techniques d’extraction existent pour produire de l’huile essentielle à base des plantes. Voici la liste de ces méthodes avec leurs particularités :
Extraction par entraînement à la vapeur d'eau : dans ce processus d'extraction, le matériel végétal est exposé à un courant de vapeur sans pré-macération. Les vapeurs saturées en composés volatils sont ensuite condensées, décantées dans l'essencier, et séparées en une phase aqueuse (HA) et une phase organique (HE). L'absence de contact direct entre l'eau, le matériau végétal, et les molécules aromatiques permet d'éviter des phénomènes d'hydrolyse ou de dégradation, préservant ainsi la qualité de l'huile. De plus, cette méthode produit une HE au parfum délicat, et la distillation, régulière et rapide, enrichit les notes de tête en esters. Les fractions "de tête", caractérisées par des fragrances très volatiles issues de molécules légères, apparaissent en premier. Souvent, une demi-heure de distillation permet de récupérer 95 % des molécules volatiles, satisfaisant ainsi les besoins de l'industrie et de la parfumerie, comme c'est le cas pour la lavande. Cependant, en , l'opération peut être prolongée pour récupérer l'ensemble des composants aromatiques volatils, conformément aux exigences spécifiques.
Extraction par hydrodistillation : cette méthode implique l'immersion de la matière première dans un bain d'eau, porté à ébullition. Elle est généralement réalisée à pression atmosphérique et peut être effectuée avec ou sans cohobage des eaux aromatiques obtenues lors de la décantation. Cependant, ce processus présente des inconvénients principalement liés à l'action de la vapeur d'eau ou de l'eau à ébullition. Certains organes végétaux, notamment les fleurs, sont trop délicats pour supporter les traitements par entraînement à la vapeur d'eau et par hydrodistillation (HD).
Expression à froid : cette méthode est spécifiquement utilisée pour extraire les essences volatiles présentes dans les péricarpes d'agrumes en déchirant ces derniers à l'aide d'un traitement mécanique. Elle implique la rupture ou la dilacération des parois des sacs oléifères situés dans le mésocarpe, juste sous l'écorce du fruit (l'épicarpe), afin de recueillir leur contenu sans aucune altération. L'extraction manuelle des essences de Citrus a été pratiquée pendant longtemps, et la mécanisation ainsi que l'industrialisation de la technique d'expression à froid ont émergé au début du XXe siècle pour réduire les coûts de production et améliorer les rendements, répondant à l'augmentation de la demande. Des systèmes récents, tels que la « Food Machinery Corporation-in-line » (FMC), permettent d'extraire le jus de fruit et l'essence de manière quasi-simultanée, sans qu'ils entrent en contact. C'est pourquoi l'expression à froid est devenue la méthode privilégiée pour extraire ces essences, d'autant plus que la distillation s'est avérée moins adaptée. En effet, la distillation génère des huiles aromatiques de qualité inférieure, principalement en raison de la présence significative d'aldéhydes, des composés sensibles à l'oxydation et à la chaleur.
Extraction par solvant organique : les solvants couramment utilisés actuellement comprennent l'hexane, le cyclohexane, l'éthanol, et, moins fréquemment, le dichlorométhane et l'acétone. Le choix du solvant doit répondre à des critères d'autorisation et de stabilité face à la chaleur, à la lumière et à l'oxygène. La température d'ébullition du solvant doit idéalement être basse pour faciliter son élimination, et il ne doit pas réagir chimiquement avec l'extrait. L'extraction se fait généralement à l'aide d'un appareil de Soxhlet. Ces solvants présentent un pouvoir d'extraction plus élevé que l'eau, ce qui signifie que les extraits contiennent non seulement des composés volatils, mais également de nombreux composés non volatils tels que des cires, des pigments, des acides gras, et d'autres substances. La méthode "classique" d'extraction par solvant implique de placer un solvant volatil et la matière végétale à traiter dans un extracteur. À travers des lavages successifs, le solvant se charge en molécules aromatiques avant d'être dirigé vers le concentrateur où il est distillé à pression atmosphérique. Bien que l'extraction par solvants organiques volatils présente des rendements généralement plus élevés par rapport à la distillation, son utilisation est limitée en raison de son coût, des problèmes de sécurité et de toxicité, ainsi que des réglementations environnementales. Cependant, cette méthode évite l'action hydrolysante de la vapeur d'eau. Face à ces contraintes, deux techniques innovantes ont émergé ces dernières années pour la distillation des substances aromatiques à partir des plantes : l'extraction assistée par micro-ondes et l'extraction par le CO2 supercritique.
Extraction par micro-ondes : l'extraction assistée par micro-ondes, une méthode en plein essor, se distingue par sa capacité à réduire considérablement la durée de distillation et à accroître le rendement, bien que son développement industriel reste à concrétiser. Cette technique, largement étudiée et en constante amélioration, présente des avantages notables tels que sa nature écologique, son efficacité énergétique, son faible coût initial, et la réduction des dégradations thermiques et hydrolytiques. Une variante innovante, la SFME, combine le chauffage par micro-ondes et la distillation sèche, offrant une extraction plus rapide avec des huiles essentielles caractérisées par une concentration élevée en composés oxygénés. Comparée à l'hydrodistillation traditionnelle, la SFME se démarque par une réduction significative de la consommation énergétique et des émissions de CO2, tout en assurant des rendements satisfaisants. Son protocole expérimental, axé sur l'absence de solvants organiques et des temps d'extraction courts, témoigne de son potentiel prometteur et de son adaptation aux exigences modernes d'efficacité et de respect environnemental, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle approche pour l'obtention d'huiles essentielles.
L’extraction par fluide supercritique (SFE) : cette méthode se distingue par l'utilisation de solvants dans leur état supercritique, où ils se trouvent dans des conditions intermédiaires entre liquide et gazeux, présentant des propriétés physico-chimiques particulières et un pouvoir de solvatation accru. Bien que divers solvants puissent être employés, le dioxyde de carbone (CO2) est largement privilégié, notamment pour sa facilité d'obtention à des températures et pressions critiques relativement basses, sa non-toxicité, sa disponibilité en haute pureté, son faible coût, et sa facilité d'élimination de l'extrait. La SFE, considérée comme une technique "verte", se caractérise par l'utilisation limitée voire nulle de solvants organiques et une rapidité supérieure par rapport aux méthodes traditionnelles. Les compositions chimiques des huiles essentielles ainsi obtenues peuvent présenter des variations qualitatives et quantitatives par rapport à celles issues de l'hydrodistillation.
Toutes les plantes peuvent-elles produire des huiles essentielles ?
En principe, toutes les plantes ont la capacité de produire des composés volatils, bien que le plus souvent en quantités minimes. Parmi les espèces végétales, seulement 10% sont qualifiées d'"aromatiques". Cependant, la capacité à synthétiser des huiles essentielles (HE) est une propriété spécifique à certaines familles de plantes réparties dans l'ensemble du règne végétal. Ces familles incluent à la fois des gymnospermes telles que les Cupressaceae (bois de cèdre) et les Pinaceae (Pin et Sapin), ainsi que des angiospermes. Les familles les plus notables comprennent les dicotylédones comme les Apiaceae (Coriandre), Asteraceae (Camomille), Geraniaceae (Géranium), Illiciaceae (Anis), Lamiaceae (Menthe), Lauraceae (Cannelle), Myristicaceae (Noix), Myrtaceae (Eucalyptus), Oleaceae (Jasmin), Rosaceae (Rose), Santalaceae (Bois de santal), et Rutaceae (Citron). Les monocotylédones sont principalement représentées par les familles Poaceae (Vétiver) et Zingiberaceae (Gingembre).
Gipsy est diplômée de l’ESJ Paris. Après 10 ans d’expérience en presse généraliste et féminine, elle a décidé de s’orienter vers l’écriture de sujets santé et bien-être. Une certification de yin yoga en poche, elle marie désormais habilement la plume à son tapis de yoga. Son objectif va bien au-delà des simples mots. Son engagement est profond : aider les lecteurs à intégrer au quotidien de petites astuces qui les aident à prendre soin d'eux-mêmes et de leur environnement. Chaque mot est une invitation à adopter un mode de vie équilibré et épanouissant.
Article publié le 3 janvier 2024
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MÉTHODES D’EXTRACTION ET DE DISTILLATION DES HUILES ESSENTIELLES : REVUE DE LITTÉRATURE
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